Intervention d’Abdellali Hajjat au séminaire recherche du Master le 22 octobre 2018
La notion d’islamophobie : pertinence, controverses et genèse (22 octobre 2018).
L’entretien film (en accès réservé) et le compte-rendu ont été réalisés par l’équipe d’étudiant-e-s qui ont animé la séance : Lisa Gonzalez, Leyan Merrar, Simon Assoun, Ophelie Greuin, Céleste Puiboube.
“Le concept d’islamophobie, c’est comme la sélection de l’équipe de France de football, tout le monde a un avis dessus”. C’est donc de manière détendue que Abdellali Hajjat, sociologue, politiste et maître de conférence à l’Université Paris-Nanterre depuis 2010, a eu l’amabilité de revenir, pour nous, sur son ouvrage Islamophobie [1].
Il semblait indispensable de revenir sur le terme islamophobie qui fut d’abord utilisé par les ethnologues de l’administration coloniale française en 1910, afin de maintenir sa domination en évitant un traitement inégalitaire de la communauté musulmane. En 1978, l’universitaire E. Saïd révèle la vision occidentale qui perpétuerait les préjugés racistes et islamophobes. Le terme est alors défini et conceptualisé, mais des divergences subsistent, notamment pour son suffixe –phobia qui serait trop médical et amènerait à penser que le racisme relèverait d’une pathologie. La définition de l’islamophobie proposée par A. Hajjat est un processus de racialisation des musulmans en relation avec l’apparence et appartenance réelle ou supposée à la communauté musulmane. Il y a d’ailleurs une racialisation différente selon les contextes nationaux.
L’auteur a centré son ouvrage sur la construction d’un problème musulman dans le débat public, qui, selon lui, a fortement alimenté l’islamophobie en France. Mais la surmédiatisation de l’islam à travers diverses polémiques politiques et académiques, dont il a parlé pendant le séminaire, complique la reconnaissance de l’existence du phénomène. Ceux qui la récusent et veulent empêcher l’utilisation du terme avancent l’idée que celui-ci empêcherait toute critique de l’islam. Une autre critique est avancée : le terme ouvrirait à ceux qui l’utilise des positions de pouvoir dans le champ universitaire. Pire encore, les défenseurs du concept d’islamophobie sont parfois assimilés aux islamistes et leur discours, bien que scientifiques, se voient ainsi contestés. Néanmoins, l’auteur, qui en fait partie, prend part à nombre de séminaires et conférences, participant au débat universitaire.
Ainsi, à l’issue de cette rencontre, il apparaît bien que l’enjeu de la reconnaissance du terme, c’est la reconnaissance de cette forme de racisme qu’est l’islamophobie - qui fait encore débat, qu’il s’agisse du champ médiatique ou scientifique.
Cette séance a eu lieu dans le cadre du séminaire Master de science politique de l’Université Paris 8, animé par Sylvie Tissot en 2018-2019.
[1] Abdellali Hajjat, Marwan Mohammed, Islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le « problème musulman », La Découverte, Paris, 2013.