Intervention de Corine Pelluchon au séminaire recherche le 17 décembre 2018.

Politiser la question animale.

L’entretien filmé et le compte-rendu ont été réalisés par l’équipe d’étudiant-e-s qui a animé et préparé la séance : Agatha Ngo Malabo, Djamel Sellah, Paul Vautrin, Sopiko Topuria, Arthur Escaffe-Fauré, Jules Novat, Juliette Davin.

 

Vous pouvez visualiser l’entretien ici :

https://vimeo.com/320302288?utm_source=email&utm_medium=vimeo-cliptranscode-201504&utm_campaign=28749&utm_term=1199456

 

Corine Pelluchon est venue présenter à notre classe son Manifeste animaliste, écrit pour les élections présidentielles de 2017, à la fois pour donner des outils aux militants, pour révéler l’universalité de la cause animale, et pour aider cette cause à entrer dans la marche de l’histoire.

La philosophe cherche à éviter que la cause ne soit récupérée, notamment par l’extrême-droite. Dans les médias, la cause est souvent présentée de façon polarisée, et desservie parfois par des représentants intransigeants ; au contraire, les enjeux normatifs du combat politique doivent se coupler à une stratégie de recherche de compromis. En effet, Corine Pelluchon se dit partisane de l’accompagnement, dans la transition, des populations dont la subsistance et l’identité reposent sur l’exploitation animale, et propose de fonder d’abord ce compromis sur certaines pratiques reconnues comme cruelles : la chasse à cour, la corrida...

En réponse à une question posée par une élève, la philosophe maintient que l’animalisme n’est pas élitiste, car la production de viande affecte la planète entière. L’écologie converge avec la cause animale mais ne s’y confond pas : elle s’intéresse aux espèces, alors que l’animalisme voit les animaux comme des individus. Loin d’être un « îlot éthique », la cause animale que défend la philosophe permet la promotion d’un nouveau modèle de développement, au-delà du nihilisme capitaliste. Cette critique des oublis de l’humanisme est aussi la création d’un autre humanisme, qui interroge les limites que j’assigne à mon bon droit et au droit des autres êtres vivants à exister. L’exploitation illimitée d’animaux déshumanise : nous scindons émotions et raison, oubliant ce qui nous rapproche des animaux, pour la supporter. Mais nous prenons peu à peu conscience d’appartenir à un monde commun : le sujet politique d’aujourd’hui n’est plus pris comme pure liberté comme au temps de Hobbes mais se sait compris dans ses relations avec les autres êtres.

Pour la philosophe, « le droit cartographie le monde » : les animaux expriment leurs besoins, et c’est à nous de les traduire en termes d’organisation de l’espace. Les droits des animaux ne peut pas s’établir sur leur utilité aux yeux de l’homme. En plus du droit négatif qui protège de l’exploitation, il faut des droits positifs, différenciés, qui réparent les torts faits à la faune sauvage et définissent des devoirs envers les animaux de compagnie.

Cette séance a eu lieu dans le cadre du séminaire Master de science politique de l’Université Paris 8, animé par Sylvie Tissot en 2018-2019.