Intervention d’Annabelle Berthiaume et de Sylvain Lefevre au séminaire recherche le 17 novembre 2018

Les fondations philanthropiques, nouveaux acteurs de l’action sociale au Québec.

L’entretien filmé et le compte-rendu ont été réalisés par l’équipe d’étudiant-e-s qui a animé la séance : Vaiana MEYER, Ioana ADINA TOMA, Victor FEUGERE, Kina VUJANIC BECK .

 

Vous pouvez visualiser l’entretien ici :

https://vimeo.com/315295747

Venir en aide aux autres, soutenir des projets sociaux : autant de caractéristiques pouvant définir les fondations philanthropiques. Celles-ci occupent une place prépondérante dans la gestion du milieu associatif au Québec, mais qu’en est-il concrètement ? A. Berthiaume et S. Lefèvre sont venus nous parler de « ces créatures impalpables », en revenant, tout d’abord, sur les conditions de leur recherche.

Travailler avec ces fondations nécessite de « montrer patte blanche » en obtenant des certificats éthiques. Au Québec, le droit revendiqué des observés à connaître les raisons qui poussent les chercheurs à enquêter conduit souvent à mener des recherches partenariales, reposant sur la réalisation d’un travail commun, un accès au terrain à condition d’apporter des connaissances aux acteurs concernés.

Le rôle des fondations philanthropiques s’explique par les logiques de la construction de l’Etat providence sur plusieurs décennies - histoire sur laquelle reviennent les deux chercheurs. L’Etat providence se développe dans les années 1960, alors que les mouvements communautaires naissent à l’initiative des citoyens. Dans les années 70, des services sociaux visant à lutter contre les inégalités s’institutionnalisent. En 1980 l’Etat se tourne vers une économie sociale et solidaire et cherche à élargir son réseau.

C’est dans la décennie suivant que, dans un contexte de refonte de l’Etat providence, on assiste à une hausse de l’utilisation des services privés pour financer les associations. A partir des années 2000, on voit se renforcer un usage néo-libéral de la philanthropie, qui conduit à introduire de nouvelles techniques managériales ainsi que les logiques qui les sous-tendent. De nombreux acteurs, dont les associations, critiquent ce "philantrocapitalisme" (sur ses méthodes peu démocratiques, et sur leur perte d’autonomie) dont elles sont pourtant dépendantes financièrement.

Lorsque le Québec subit, en 2014, l’austérité budgétaire, le rôle des fondations change et les associations qui dépendaient du philanthropisme voient leurs projets s’évanouir. A la suite de quoi, en 2016, les partenariats public-privé sociaux ne sont pas reconduits. Les fondations, généralement contre l’Etat, le rappellent à ses prérogatives sociales en brandissant la nécessité de sauvegarder le modèle québécois. Certaines fondations se remettent aussi en question suites aux critiques des associations. Cette réaction révèle leur situation bancale à la fois dépendante de l’Etat pour cofinancer leurs projets, mais aussi des associations, qui les réalisent.

Cette évolution montre à quel point l’apparition des fondations philanthropiques a rebattu les cartes des relations entre l’Etat et le secteur associatif. 

 

Cette séance a eu lieu dans le cadre du séminaire Master de science politique de l’Université Paris 8, animé par Sylvie Tissot en 2018-2019.