Kévi Donnat, fondateur du Paris Noir/Black Paris Walks, co-fondateur et co-animateur de podcasts, intervenu le 28 novembre 2017

Kévi Donat, concepteur de visites thématiques et créateur avec ses amis de podcasts, était l’invité du cours ’Dispositifs de lutte contre les Discriminations’ le 28 novembre 2017, pour aborder la place de la mémoire et des médias dans la lutte contre les discriminations.

Déjà “passionné d’histoire et de cultures urbaines”, pour reprendre ses mots, Kévi Donat vient “à la métropole”, expression qu’il utilise sans cacher une certaine ironie, pour suivre ses études à Sciences-Po Rennes. Être le seul noir d’une promotion de 150 étudiants : une prise de conscience, peut-être « vague et pas assez engagée » naît à ce moment-là.

Il poursuit ensuite des études en Santé Publique avec l’objectif d’intégrer le milieu hospitalier, pour devenir, un jour, directeur d’une maison de retraite. Pourquoi pas ? Mais, il explique avoir senti très vite que ce n’était pas sa vocation, que ce n’était pas la “bonne direction”. Si l’heure de changement d’orientation sonne déjà, un jour, il l’entend explicitement : c’est un ami qui lui propose, comme il maîtrise bien l’anglais, de commencer à faire des visites guidées de Paris, de devenir guide touristique. Trois ans maintenant qu’il arpente les rues de la capitale, trois ans qu’il présente ses monuments les plus célèbres, ses personnages les plus connus ou déjà oubliés.

Se détachant des visites ‘romantiques’ des beaux quartiers Rive Gauche, sa démarche prend très vite une autre direction. Au moment de la panthéonisation d’Aimé Césaire, il fait la conclusion de sa visite devant un grand panneau avec le visage de l’écrivain. Face aux questions des visiteurs sur ce personnage mais aussi sur la négritude, il sent avoir envie de proposer autre chose. Cela sera l’élément déclencheur. Cherchant une autre vision de Paris, il fonde les ’Black Paris Walks’. L’été 2013, les visites du Paris Noir trouvent ainsi leur voix, parler du monde intellectuel noir à Paris.

Aujourd’hui, il fait part de l’envie d’évoluer qu’il a ressentie face à l’ « uberisation » du métier. Il mène des recherches et avec le temps, le Paris Noir acquiert une certaine notoriété, son succès médiatique avec un passage sur le JT de TF1 précédant son succès commercial.

Ensuite, Kévi Donat présente les parcours qu’il propose. Deux itinéraires constituent désormais ses deux offres principales : un sur la rive droite du Moulin Rouge à Château Rouge et un autre sur la rive gauche dans les 5e et 6e arrondissements.

Il met en avant la question des enjeux de mémoire et de représentation. Les problématiques rencontrées ne sont pas les mêmes suivant ces deux parcours. Dans la visite de la rive gauche, le principal enjeu revient à déconstruire des préjugés face à la surprise quasi-unanime des visiteurs qui pensent ces quartiers comme étant le lieu de l’élite blanche. Dans la visite rive droite des quartiers populaires, en revanche, il souligne la nécessité d’une démarche plus délicate autour de la question d’éviter d’en “faire un safari”.

Après quelques années des visites du Paris Noir, Kévi Donat cherche un moyen de toucher un public plus large. Inspiré notamment par les podcasts afro-américains, il monte un projet avec les journalistes François Oulac et Mélanie Wanga. Chez Afrostream, ils lancent le Tchip. Dans cet espace de discussion, ils abordent sur un ton décalé la question de l’identité noire à travers des sujets d’actualité et de la culture « pop » comme Nola Darling, la série de Spike Lee. En parallèle, ils commencent un autre podcast sur Arte Radio, Noir is the New Black. Là aussi, ils discutent de sujets culturels comme le film Get out, ou encore de questions de société à l’image des relations interraciales. Avec la fin d’Afrostream, le Tchip passe sur Arte Radio.

L’intervention de Kévi Donat s’est révélée une occasion particulièrement intéressante de réfléchir sur la question de l’identité noire à Paris, et dans les médias français et internationaux, et de découvrir une carrière et des initiatives qui, bien que cela ne soit pas nécessairement leur objectif premier, comportent une dimension politique. Dans ses visites, il interroge l’effacement des figures noires de l’histoire urbaine et des mémoires afin de rompre avec l’image d’un Paris blanc. Il poursuit cette démarche avec ses podcasts où il pose un regard critique sur les représentations majoritaires des imaginaires télévisuels et radiophoniques français qui ne laissent qu’une place réduite aux populations non-blanches.