Intervention d’Anne Lambert au séminaire recherche le 21 janvier 2019

Les politiques municipales dans le péri-urbain : peut-on fabriquer de la « mixité sociale » ?

L’entretien filmé et le compte-rendu ont été réalisés par l’équipe d’étudiant-e-s qui a animé et préparé la séance : Bachir Dieye, Soraya Rouab, Maria Ivanova, Dorian Gonthier, Anissa Rami.

Vous pouvez visualiser l’entretien ici :

https://vimeo.com/318402400

 

Anne Lambert, sociologue et chercheuse à l’INED, nous a présenté ce lundi, les résultats d’une enquête, prenant pour objet l’aménagement de lotissements pavillonnaires au sein d’une petite commune de la banlieue lyonnaise. L’enquête resitue ces politiques de logement dans le cadre plus général des politiques publiques d’accession à la propriété et de l’émergence du « périurbain », qui a connu plusieurs inflexions depuis les années 1970, la dernière en date étant le rêve libéral sarkozyste du « tous propriétaires ».

Tout d’abord, l’enquête montre comment l’élan d’urbanisation pavillonnaire que connaît la ville dans les années 2000 se comprend comme la résultante d’un urbanisme concerté de la part d’une municipalité socialiste, acquise aux « enseignants » plutôt qu’aux « agriculteurs ».

Cette dernière justifie un projet de lotissements « à l’américaine » en vue de devenir un « village résidentiel », dans le cadre d’une « mixité sociale » plutôt « encadrée ». La municipalité entend favoriser l’accession à la propriété de familles habitant déjà la commune, gardant ainsi en tête ses intérêts politiques. Il s’agit notamment d’éviter les « cas sociaux » pour promouvoir des « pauvres méritants ».

Ensuite, la sociologue nous a montré comment la « première tranche » de peuplement du Blessay comptait plutôt des jeunes couples de cadres et de professions intermédiaires « blan·che·s » qui ont l’espoir de partir plus ou moins rapidement. Le peuplement de la « deuxième tranche », quant à lui, se heurte à la crise de 2008, et les « classes moyennes de la région lyonnaise » désirées par la mairie seront remplacées par une population nettement plus populaire et hétérogène que la première, comptant par exemple trois fois plus de ménages immigrés.

En outre, cette diversification ethnique et sociale est accompagnée de microségrégations locales, visibles y compris dans le bâti. Cet écart sabote la mécanique d’une mixité sociale entendue comme « coprésence » et actualise des conflits de voisinage parfois virulents, qui ont également à voir avec l’éducation et la scolarisation des enfants.

Enfin, la discussion finale entamée avec l’intervenante nous a permis de questionner les préjugés habituels des « choix résidentiels » des habitant·e·s du périurbain, et notamment le « désir féminin d’avoir sa maison », en mettant plutôt au jour le lien entre virilité et volonté d’accéder à la propriété.

 

Cette séance a eu lieu dans le cadre du séminaire Master de science politique de l’Université Paris 8, animé par Sylvie Tissot en 2018-2019.